S’interrogeant sur les raisons de ce déchaînement à votre encontre, votre époux évoquait dans sa lettre aux Luxembourgeois vos combats légitimes, notamment contre les violences sexuelles, la dyslexie, la maltraitance des enfants emprisonnés, qui nécessairment vous exposent…
Mes engagements en tant que Grande-Duchesse m’ont sensibilisée aux problématiques des femmes. Je veux continuer dans cette voie. Des situations les plus graves que sont les violences sous toutes leurs formes à ce qu’il y a de plus insidieux, et peut-être de plus répandu : la misogynie à laquelle j’ai été confrontée récemment.
Le Grand-Duc a évoqué aussi votre volonté commune de moderniser la monarchie…
Nous essayons depuis le début du règne de faire avancer les choses mais, comme dans beaucoup d’anciennes institutions, nous nous sommes heurtés à une très grande résistance interne. Mon mari voulait depuis longtemps mettre en place certaines des réformes préconisées dans ce rapport. Mais, trop souvent, des personnes en situation de responsabilité à l’intérieur de notre propre maison ont résisté à ses demandes.
Ce rapport rappelait de manière cinglante qu’en tant que Grande-Duchesse, vous n’avez pas de rôle constitutionnel. Vivez-vous comme une souffrance l’effacement que cela sous-entend ?
Je ne le vis pas comme une souffrance, car je n’ai jamais prétendu au moindre rôle constitutionnel. J’assume une tâche difficile qui m’oblige à donner la priorité à ma vie officielle sur ma vie privée et familiale et cela mérite d’être reconnu. Tout est contradictoire : d’un côté, on attend de moi d’être là, aux côtés de mon époux, en représentation, et de l’autre, on me rappelle insidieusement que je ne représente rien. En psychologie, cela s’appelle des injonctions paradoxales. On me reproche d’avoir trop d’influence sur mon mari ? Nous sommes un couple, nous échangeons, dialoguons, partageons nos préoccupations. Rien de plus normal, il me semble. N’attend-on pas de toute épouse qu’elle épaule son mari, a fortiori s’ils sont royaux ou hommes d’Etat ? Je me souviens des très jolis mots du roi Albert II des Belges rendant hommage à son épouse, la reine Paola. Il disait en substance qu’il n’aurait pas pu vivre sa vie de souverain sans son soutien constant. Malgré les privilèges, être deux pour faire face à ces vies « hors norme » me paraît important. Ce n’est pas un plaisir d’évoquer ces choses et, croyez-moi, si je le fais, c’est uniquement avec le souci de préparer une voie meilleure aux générations futures. Qui sait, un jour peut-être, l’épouse du prince Charles m’en remerciera.