Le Grand-Duc a évoqué aussi votre volonté commune de moderniser la monarchie…
Nous essayons depuis le début du règne de faire avancer les choses mais, comme dans beaucoup d’anciennes institutions, nous nous sommes heurtés à une très grande résistance interne. Mon mari voulait depuis longtemps mettre en place certaines des réformes préconisées dans ce rapport. Mais, trop souvent, des personnes en situation de responsabilité à l’intérieur de notre propre maison ont résisté à ses demandes.
Ce rapport rappelait de manière cinglante qu’en tant que Grande-Duchesse, vous n’avez pas de rôle constitutionnel. Vivez-vous comme une souffrance l’effacement que cela sous-entend ?
Je ne le vis pas comme une souffrance, car je n’ai jamais prétendu au moindre rôle constitutionnel. J’assume une tâche difficile qui m’oblige à donner la priorité à ma vie officielle sur ma vie privée et familiale et cela mérite d’être reconnu. Tout est contradictoire : d’un côté, on attend de moi d’être là, aux côtés de mon époux, en représentation, et de l’autre, on me rappelle insidieusement que je ne représente rien. En psychologie, cela s’appelle des injonctions paradoxales. On me reproche d’avoir trop d’influence sur mon mari ? Nous sommes un couple, nous échangeons, dialoguons, partageons nos préoccupations. Rien de plus normal, il me semble. N’attend-on pas de toute épouse qu’elle épaule son mari, a fortiori s’ils sont royaux ou hommes d’Etat ? Je me souviens des très jolis mots du roi Albert II des Belges rendant hommage à son épouse, la reine Paola. Il disait en substance qu’il n’aurait pas pu vivre sa vie de souverain sans son soutien constant. Malgré les privilèges, être deux pour faire face à ces vies « hors norme » me paraît important. Ce n’est pas un plaisir d’évoquer ces choses et, croyez-moi, si je le fais, c’est uniquement avec le souci de préparer une voie meilleure aux générations futures. Qui sait, un jour peut-être, l’épouse du prince Charles m’en remerciera.
(The Grand Duke also mentioned your shared determination to modernize the monarchy...
We have been trying since the beginning of the reign to move things forward but, as in many old institutions, we've come up against strong internal resistance. My husband has wanted for a long time to implement some of the reforms recommended in the report. But, too often, people in positions of responsibility in our own household resisted his requests.
The report witheringly noted that as Grand Duchess, you have no constitutional role. Do you feel pained by the implied erasure in that?
I don't feel pained, since I've never aspired to the slightest constitutional role. I carry out a difficult task requiring me to give priority to my official life over my private and family life and that deserves to be recognized. It's all contradictory: On the one hand, I'm expected to be there, at my husband's side, representing, and on the other, they insidiously remind me that I represent nothing. In psychology, those are known as paradoxical injunctions. They reproach me for having too much influence over my husband? We're a couple, we communicate, we discuss, we share our concerns. Nothing more normal, it seems to me. Isn't every wife expected to support her husband, especially if they are royals or statesmen? I remember some very beautiful words from King Albert II of the Belgians paying homage to his wife, Queen Paola. He said in effect that he wouldn't have been able to live his life as sovereign without her constant support. In spite of the privileges, having two of you to take on these "out of the ordinary" lives seems important. It's no pleasure to talk about these things and believe me, when I do so, it's altogether out of concern for leaving a better path for future generations. Who knows, perhaps one day, Prince Charles's wife will thank me.)