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Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse que l’asbl CREDAL ait remporté cette année le Prix du Fonds qui porte mon nom.
Grâce à son projet “Affaires de femmes, femmes d’affaires”, Crédal aide les femmes défavorisées à lancer leur propre entreprise. Ceci s’effectue à travers une approche intégrée et collective à laquelle est associé l’usage de microcrédits. Cela permet à ces femmes de réaliser leur rêve avec un montant modeste comme capital de départ. Les participantes, tant Belges d’origine qu’issues de l’immigration, apprécient au plus haut point la formation et l’accompagnement professionnel permanent qui leur sont prodigués. Elles sont particulièrement motivées, car elles accèdent ainsi à une forme de crédit qui leur est adaptée. En effet, un crédit selon les normes en vigueur sur le marché est souvent inabordable pour ces femmes.
Au sein du groupe de femmes qui participent au projet, l’engagement, la solidarité et l’interdépendance occupent une place prépondérante. Grâce à son rayonnement vers les autres régions de notre pays, ce projet agit comme un levier qui permet aux femmes de Belgique de renforcer leur capital et de prendre une part active à la vie économique. Une autonomie et une indépendance accrues les incitent à prendre leur propre destinée en main. Et elles y parviennent !
Je félicite donc chaleureusement l’asbl Crédal ainsi que ses partenaires, les asbl Hefboom, Stebo et Vie Féminine pour cette initiative dynamique.
Mesdames et Messieurs,
Il n’est pas facile de faire accéder les femmes au statut de partenaire à part entière dans la vie économique. Pour les femmes issues de l’immigration, c’est encore bien plus malaisé. Les initiatives valables qui aident les femmes à conquérir une place sur le marché de l’emploi ne sont pas suffisamment connues.
C’est ce constat qui est ressorti des délibérations menées par le jury indépendant du Fonds.
Traditionnellement, les candidatures au Prix sont nombreuses, et c’était une fois de plus le cas cette année. Il était toutefois frappant de constater que peu de projets correspondaient réellement au thème retenu, en l’occurrence la force économique de la femme au coeur de la société multiculturelle.
Avions-nous visé trop haut ? Nos espoirs étaient-ils trop ambitieux ? Y a-t-il, dans le domaine économique, trop peu d’initiatives émanant de femmes, qui leur sont destinées ou auxquelles elles sont associées ? Pourquoi, aujourd’hui encore, les femmes restent-elles dans l’ombre dès qu’il est question d’économie et du monde des affaires ?
Cela mérite réflexion.
La diversité culturelle sans cesse croissante et les positions divergentes qu’occupent les femmes demeurent un défi pour chacun d’entre nous.
Pourtant, l’activité économique contribue dans une large mesure à l’émancipation et à l’engagement social des femmes.
La manière dont hommes et femmes participent au marché de l’emploi a fortement évolué au cours de ces dernières décennies. D’une part, on constate une augmentation de l’activité professionnelle des femmes, à laquelle on n’apporte pas toujours une réponse convaincante ; d’autre part, les tâches que mènent à bien les femmes qui restent au foyer ne sont pas appréciées à leur juste valeur. Aujourd’hui encore, les tâches ménagères et les charges familiales échoient en majeure partie aux femmes. Pour chacune d’entre elles, combiner vie professionnelle et vie familiale requiert des talents d’équilibriste. Il est vrai que, de plus en plus, les employeurs font preuve de souplesse en cette matière, mais est-ce bien suffisant ?
Dans leurs activités économiques, les femmes sont trop souvent tiraillées entre d’une part, la productivité qui leur permet de bénéficier d’un revenu propre et, d’autre part, la sollicitude qui les incite à privilégier les valeurs douces, qui ont également leur importance dans notre société. Ceci démontre leur force, mais révèle tout à la fois leur vulnérabilité, qui se traduit par un accès difficile au marché de l’emploi, par des options limitées et des possibilités de promotion réduites.
Le monde du travail devrait refléter la diversité de la société. On ne pourra aplanir les obstacles structurels, sociaux et culturels – les traditions, la langue, la pression de la famille….- que grâce aux efforts conjoints des femmes qui travaillent et des employeurs. L’enseignement et la formation étant d’une importance cruciale, il est primordial que les écoles mettent davantage l’accent sur l’égalité des chances entre les femmes et les hommes; la diversité peut être un atout, permettant au talent de s’épanouir au maximum.
Mesdames et Messieurs,
Le fait que Crédal, une coopérative s’occupant de formes alternatives d’octroi de crédit, ait été retenu cette année comme lauréat, est un heureux hasard, qui me réjouit particulièrement. L’année 2005 a en effet été proclamée Année internationale du Microcrédit. Comme vous le savez, je me suis engagée à promouvoir la microfinance dans le monde entier. Pour son projet, Crédal s’est inspiré du système mis en oeuvre au Bangladesh par le professeur Muhammad Yunus dans la ‘Grameen Bank’.
Au Bangladesh aussi, ce sont les femmes qui ont été les premières destinataires et les principales bénéficiaires de crédits à petite échelle. Entre-temps élargi, ce système de microfinance permet actuellement aux personnes qui sont normalement exclues du système bancaire traditionnel d’avoir accès à divers services financiers : outre l’octroi de crédits, il se concentre à présent sur l’épargne, les assurances et d’autres instruments financiers.
Lors de mes contacts et de mes discussions avec les bénéficiaires de la microfinance à l’étranger, j’ai pu constater que ce sont surtout les femmes qui peuvent en retirer un avantage. Ce système leur permet de jouir d’une certaine considération au sein de leur communauté, contribuant en cela à l’autonomisation de la femme et, partant, au bien-être de toute la famille.
Dans les pays développés, la microfinance n’est utilisée que de manière relativement restreinte. Je suis dès lors d’autant plus heureuse de constater qu’en Belgique, certaines organisations sont disposées à relever ce défi. Grâce à l’octroi de microcrédits et à un accompagnement individuel, ces organisations soutiennent des entreprises qui s’occupent d’économie sociale, des particuliers aux revenus modestes et des micro-entrepreneurs. Seules les initiatives qui sont en mesure de devenir financièrement autonomes et qui visent pour les hommes et les femmes une plus-value à long terme pourront garantir à la femme un rôle à part entière dans la vie économique. Ce dont nous avons besoin, ce sont des solutions durables, et non pas des arrangements à court terme.
Comme vous le constatez, le Nord prospère a encore des choses à apprendre des pays pauvres du Sud. En effet, des personnes défavorisées, il y en a aussi en Belgique, mais, malheureusement, cette pauvreté est souvent cachée.
Mesdames et Messieurs,
Madame la Présidente Tulkens a relevé dans son introduction que le Fonds fête cette année un anniversaire jubilaire. Je suis fière de ce que le Fonds a réalisé au cours des cinq années écoulées. Il a mis en évidence de beaux thèmes, qui ont suscité à chaque fois des réactions positives du monde social.
Cela me conforte dans ma conviction que dans notre pays, beaucoup de gens sont encore disposés à consacrer leur attention et leur temps à l’amélioration du sort des plus vulnérables. Cela me fait chaud au coeur.
Je suis convaincue que le Fonds poursuivra avec enthousiasme la tâche qu’il s’est imparti. A l’avenir, des thèmes nouveaux seront abordés. Le Fonds se penchera sur des sujets auxquels on attache parfois trop peu d’importance, mais qui méritent d’être mis en évidence. Le Fonds a la volonté de mener à bien sa mission de manière créative et évolutive.
Je remercie tous les membres du comité de gestion, les membres actuels ici présents, mais également ceux qui se sont investis pour le Fonds dans le passé. Ma gratitude va également à tous les membres du jury qui ont mené leurs délibérations de manière efficace et en toute indépendance. Tout cela n’aurait évidemment pas été possible sans notre Présidente, Madame Tulkens, qui a dirigé le Fonds d’une manière efficace durant les cinq années écoulées.
J’adresse également mes remerciements à la Fondation Roi Baudouin et, en particulier, au secrétariat du Fonds, pour leur bonne gestion.
Enfin, je souhaite exprimer ma sincère reconnaissance envers la population belge. En effet, tout ceci, nous le devons à la générosité dont elle a fait preuve à l’occasion de mon mariage avec le Prince Philippe. Elle nous a ainsi permis de donner la parole aux sans-voix.
Le Fonds continuera à renforcer les personnes vulnérables dans notre société.
Je vous remercie de votre attention.